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dimanche 2 août 2009

Forgeron à Haironville ...

La situation des forges souvent au ras de l'eau dans une vallée, faisait vivre les ouvriers dans une humidité quasi permanente. Mais l'eau était indispensable à cette industrie et beaucoup de forges étaient implantées au bord des rivières. Le lavage du minerai, l'entretient et le contrôle des roues hydrauliques pour brocards et patouillets, le soufflet, le martelage, la soumission à des chaleurs intenses et le passage sans transition d'un milieu à un autre provoquaient à terme beaucoup d'affections pulmonaires. Les effets néfastes de la combustion et de la fonte en ébullition avec leurs vapeurs toxiques que dégageaient les creusets principalement au moment du redémarrage, sans compter les brûlures et les mutilations aux cours de leurs travaux étaient autant d'événements professionnels qui usaient rapidement les hommes. Forger demandait aussi d'employer toutes ses forces physiques et humaines et même bien souvent de les conduire au delà de celles-ci. L'extrême chaleur à laquelle les forgerons étaient exposés en permanence, la fatigue visuelle due à l'éclat du foyer, le bruit incessant usant les tympans, le rythme et la cadence du travail étaient encore autant de facteurs supplémentaires qui usaient les forgerons. Les statistiques montrent qu'un forgeron d'une quarantaine d'année était plus décrépit qu'un homme de soixante ans et que la mortalité arrivait rapidement vers la cinquantaine et souvent même bien avant cet âge.
Joseph Alexandre Vinot, forgeron aux Forges d’Haironville, n’a pas échappé à cette fatalité puisqu’il est mort alors qu’il n’avait pas encore atteint l’âge de trente ans. Pourtant ce n’était sans doute pas un homme chétif … En effet, d’après certaines études d’éminents historiens le métier de forgeron était exercé par des individus de bonne constitution physique et musculaire. Les individus qui ne présentaient pas ces qualités physiques, chétifs ou souffreteux, exerçaient des métiers moins intensifs comme par exemple celui de cordonnier. Mais le métier de forgeron, bien que très dur métier, était un emploi assez en vue et certains historiens classent ensemble les métiers de meunier, d’aubergiste et de forgeron comme étant des métiers offrant un pouvoir économique et social plus important que d’autres professions exercées dans la campagne. Cela semble bien se vérifier avec Joseph Alexandre Vinot qui, au moment de son décès le 23 octobre 1865 à Haironville, s’il ne laisse en héritage à sa femme et à ses enfants qu’un mobilier assez sobre, laisse par contre une assez belle somme d’économies et pourtant il n’a que vingt huit ans lorsqu’il décède à Haironville.
Son acte de décès, comme c’est presque toujours le cas de tous les actes de cette nature à quelques exceptions près, ne nous renseigne pas sur les conditions de sa mort. Mais s’il est un acte qui va nous permettre de pouvoir tenter d’appréhender le statut d’ouvrier forgeron, c’est bien celui de l’inventaire après décès.
Cet inventaire est intéressant car il donne une idée de l’intérieur de la maison d’un ouvrier forgeron de la seconde moitié du 19ème siècle. On peut dire qu’il n’y avait pas place au superflu et que la famille devait vivre relativement chichement. On remarquera par contre que cette jeune famille était très prévoyante car ses économies s’élevaient à 1.500 francs. Ce qui représentait une belle somme à l’époque si l’on songe qu’en 1860, le salaire journalier d’un ouvrier forgeron était compris entre 3,50 francs et 4 francs. Les économies du couple montraient donc plus d’une année entière de salaire. Ajoutons cependant que l’épouse de Joseph Alexandre Vinot, Louise Rosalie Ninot, exerçait la profession de lingère et que les économies du revenu qu’elle pouvait en tirer, aussi faible pouvaient-elles être, étaient comprises dans cette somme puisque le couple n’avait pas de contrat de mariage et qu’à la mort de l’un des conjoints tous les biens de la communauté étaient appréhendés pour estimation et cela d’autant plus s’il y avait des enfants mineurs.
Découvrons donc cet inventaire après le décès de Joseph Alexandre Vinot, rédigé quelques jours après sa mort :
« Inventaire et état mobilier des objets laissés par Joseph Vinot, décédé le vingt trois octobre dernier (1865) à Haironville où il résidait, et de son vivant, époux de Louise Ninot. De leur mariage sont nés Joseph Charles Auguste Vinot et Elisabeth Marie Caroline Vinot, tous deux enfants mineurs.
Le dit inventaire a été fait en présence de Antoine Vinot, oncle paternel des mineurs et leur subrogé tuteur, de Joseph Moreau, de Etienne Gelly, leurs oncles par alliance, d’Auguste Masson et d’Auguste Defer, leurs oncles maternels, et de leur mère, tutrice légale et maternelle ; tous étant réunis en conseil de famille dans la maison du défunt, ont fait le présent inventaire pour servir et valoir ce que de droit. Fait double à Haironville le quatre novembre mil huit cent soixante cinq.
Etat des objets composant l’inventaire :
Un crémail, deux chenets, une pelle à feu, une paire de pincettes, estimé : 4 frs. Un grille, une bassinoire et ustensiles de cuisine, estimé : 15 frs. Trois douzaines d’assiettes, quatre plats, quatre soupières, quatre saladiers, estimé : 22 frs. Quatre salières, douze verres, un huilier, une carafe, quarante bouteilles en verre, estimé : 9,50 frs. Un sceau en fer blanc, deux plateaux et trois coquelles, estimé : 4,50 frs. Un pot en fonte, une lampe en cuivre, une boîte à repasser, estimé : 10 frs. Trois tables, douze chaises, estimé : 64 frs. Deux lits montés, estimé : 400 frs. Une pendule et une montre, estimé : 100 frs. Une maie, une armoire et une glace, estimé : 150 frs. Huit paires de draps, douze serviettes, estimé : 156 frs. Six chemises d’homme, trente six essuie mains, estimé : 22 frs. Trente six chemises de femme, estimé : 60 frs. Douze taies d’oreiller, trente six mouchoirs de poche, estimé : 26 frs. Six tabliers de cuisine, estimé : 3 frs. Habillement d’homme, estimé : 76 frs. Habillement de femme, estimé : 70 frs. Douze cuillères et fourchettes et six couteaux, estimé : 3 frs.
Soit un total de biens mobiliers de : 1.195 Frs.
Espèces au compte courant chez Maître Jacquot Frères : 1.500 Frs
Total général : 2.695 frs. »
Cet état d’inventaire de 1865 nous donne donc une idée assez précise sur la condition d’un ouvrier forgeron sérieux, dont l’épouse exerçait aussi un petit métier. On imagine qu'à cette cadence si la mort n’était pas venue frapper ce forgeron à la fleur de l’âge, après seulement sept ans de vie commune - le mariage avait été célébré à Haironville le 5 juillet 1858 - combien ce couple aurait pu vivre de façon très convenable.
Quant à Louise Rosalie Ninot native de Nantois, issue d’une famille de forgerons, elle restera veuve presque pendant une trentaine d’année. Au début de son veuvage, elle viendra à Saudrupt quelque temps pour occuper le poste de concierge à la Filature afin de se constituer un revenu un peu plus substantiel et plus stable afin de pouvoir élever correctement ses enfants. Cela explique encore pourquoi cette branche descendante de la famille Vinot quitte Haironville pour venir s’installer à Saudrupt. Son fils Joseph Charles Auguste Vinot épousera à Saudrupt le 25 septembre 1886, Pauline Marie Hallot et sa fille Elisabeth Marie Louise Caroline Vinot épousera la même année aussi à Saudrupt, le 20 novembre 1886, Charles Noël. Ce n’est qu’après le mariage de ses enfants qu’elle pensera à refaire sa vie.
Elle épousera donc en secondes noces à Haironville le 21 mai 1894, François Frédéric Clausse, exerçant le métier de taillandier. Ce métier était en fait celui d’un petit forgeron fabricant d’outils à tailler pour les charpentiers, les menuisiers, les bûcherons et les charrons. C’est aussi à Haironville, village dans lequel elle aura passé pratiquement sa vie entière, qu’elle s’éteindra le 27 décembre 1919 âgée de soixante dix neuf ans.


Sur la carte postale ci-dessus figure Louise Rosalie Ninot (cliquer sur l'image pour voir les détails)
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