A la Saint-Eloi, par Emile Lauvergeon
Au souffle puissant du progrès
Dans un monde surexcité
L’homme se sent désemparé
Car tout change ;
Et malheur au retardataire
A l’hésitant, au solitaire
Qui regarderait en arrière,
Car tout change !
Toujours plus vite ! Toujours plus haut !
C’est le slogan des temps nouveaux
Qui régit l’homme et ses travaux !
Dans le monde moderne il faut
Que, tout change !
Dans notre usine, en vérité,
Bien des choses ont déjà changé
Semant l’oubli sur le passé
Oui, tout change !
Remontant le cours de la Saulx,
S’écartant de l’ancien noyau, qu’on prolonge !
Vous allez voir, un beau matin,
Q’à force de gagner du terrain
Les Forges d’Haironville, c’est certain,
Vont s’trouver à Rupt-aux-Nonains
Oui tout change !
On n’emploie plus le même langage,
On ne parle que de plombage
De bardage et de profilage,
Car tout change !
L’ouvrier lui même a changé.
Oublieux de tout son passé
Au rythme infernal emporté
Oui il change !
Un retraité de la tôlerie
Venu voir ses anciens amis
M’a dit en voyant tous les gars
Ne boire que du « Coca-Cola »
Comme ils changent !
La direction nous a payé
Des chaussures de sécurité
Avec des bouts bien renforcés
Chose étrange,
Depuis qu’on a ces beaux souliers
On n’entend plus un ouvrier
Dir’que l’boulot ça cass’les pieds,
Oui tout change !
Et l’père Leroy court comme un fou
Imité par le Guy Leroux
Eux qui n’étaient pas vif du tout,
On les prendrait pour deux casse-cou
Ca les change !
Pauvre de moi, les p’tits couplets
Qu’à Saint-Eloi, je vous chantais
Sont périmés et désuets
Car tout change !
Ou êtes-vous, tour à puddler,
Train à cadet, tour à réchauffer,
Et mêm’moi mon pauv’ vieux tôlier
Ah ! Quand j’y songe !
Même Saint-Eloi sourit là-haut.
On lui a rendu son marteau,
Louis Gelly tue des perdreaux
Y a mêm’plus de bleu dans la Saulx !
Ah ! Comme tout change !
Au souffle puissant du progrès
Tous les instruments du passé
Se sont trouvés démantelés
Car tout change
A quoi bon pousser des soupirs
Il nous reste le souvenir
Regardons plutôt l’avenir
Car tout change !
Ensemble prions le Très-Haut,
Pour qu’il bénisse ces travaux,
Qui apportent du renouveau,
Puisqu’au siècle où nous sommes, il faut
Que tout change !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire